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Environnement & Société
2 décembre 2018

Le capital naturel et l’Economique La Conférence

Le capital naturel et l’Economique

 

                        La Conférence de Rio de Janeiro en 1992 s’est penché sur l’importance de l’environnement naturel et sur les services qu’il fournit pour le maintien d’une terre humainement viable ; elle a souligné combien l’existence de l’Homme était liée à la qualité de son environnement et confirmé que chacun avait le droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. 

Plus de 20 années après, les difficultés de plus en plus fortes d'approvisionnement en matières premières et la dégradation de notre cadre de vie montrent que peu de choses ont changées dans nos comportements et dénoncent la façon dont l'environnement est regardé dans les modèles économiques actuels. Aujourd’hui encore, seules les dimensions financières et économiques sont mises en avant dans les projets et l’environnement est toujours considéré comme un ensemble de ressources illimitées et gratuites. Pourtant, l’impact de la raréfaction de ressources naturelles sur les activités économiques révèle la nécessité de prendre en compte les apports et les contraintes du milieu naturel ; c’est ce que pensent certains économistes qui préconisent d’associer au capital productif (finances et travail) des considérations liées à un capital naturel.          

            L’approche fonctionnelle du capital le défini comme un fond ou un stock produisant un flux et non pas seulement comme les moyens de production de produits manufacturés. Ainsi le capital naturel fait référence à notre patrimoine terrestre, le sol, l‘air, l‘eau, les organismes vivants, sources des flux de biens et de services environnementaux requis pour notre survie, pour la base de toute activité économique humaine et pour notre Bien-être. Il est composé des ressources naturelles renouvelables mais aussi des stocks non-renouvelables de minéraux et de sources fossiles d‘énergie[1]                       

Cette importance reconnue de la nature rappelle le rôle que lui accordait  la «physiocratie», école de pensée économique et politique née en France au cours du XVIIIème siècle[2]. Les Physiocrates considéraient la terre comme le seul facteur réel de création de richesse et l'agriculture, qui représentait alors une part très importante de l'activité économique, était, pour eux, la seule activité productive (forces vives), l'industrie et le commerce étant classés comme activités stériles, car elles ne font que transformer des matières premières produites par l'agriculture.

            La prise en compte du capital nature mène à l’économie écologique qui se soucie des interdépendances et de la coévolution des activités humaines et des écosystèmes dans le temps et l'espace. Elle permet de guider l’action des acteurs économiques dans le cadre du concept de « développement durable » qui exige la pérennité des ressources naturelles. Cette économie écologique se distingue de l’économie environnementale qui se préoccupe essentiellement du coût économique des atteintes à l'environnement et de la valeur monétaire des services écosystémiques (pollution de l’eau, de l’air, des sols ….). 

Lors du sommet de la terre à Rio en 2012 l’économie verte a été à l’honneur mais elle n’est évoquée que dans le cadre d’une « croissance verte » susceptible de redynamiser l’économie classique en banqueroute. En fin de compte elle ne légaliserait que la transformation de grandes fonctions écologiques de la planète, dépollution de l’eau, stockage du carbone, biodiversité…. en « services écosystémiques » échangeables, valorisables  … en marchandises globales et lucratives, contrôlées par quelques firmes ou fonds financiers.

            Il faut se rendre à l’évidence, le modèle économique appliqué actuellement dans notre société ne se préoccupe guère du devenir du capital naturel et depuis le début des années 1970 le stock du capital baisse. Nous puisons dans le capital et réduisons chaque année sa capacité à reconstituer ses ressources et à absorber les déchets. En 2014 c’est à partir du 20 août que nous avons surexploité le milieu naturel après avoir consommé ce qui avait été renouvelé[3]. Ce « jour de dépassement » est de plus en plus précoce. Inexistant dans les années 1960, il tombait en novembre au milieu des années 1990, en octobre en 2000 …. la « dette écologique » ne cesse de s’alourdir.

Des estimations modérées montrent que si l’on s’en tient à notre agir d’aujourd’hui, l’équivalent des ressources écologiques renouvelables de trois planètes sera nécessaire pour répondre aux besoins de consommation et absorber la pollution en 2050. Doit-on s’en inquiéter ? Peut-on continuer ainsi en acceptant la supériorité absolue de la logique marchande?

Il faut admettre que « l’économique est une science de la vie, voisine de la biologie plutôt que de la mécanique »[4]. En effet l’homme comme moyen, agent de décision et finalité se retrouve à tous les niveaux de l’activité économique qui se déroule dans la biosphère ; la quantité et la  qualité de vie que peut porter la planète sont limitées par les moyens mis à notre disposition dans la biosphère et obéissent à ses lois. Ainsi l’Economique est un sous-système dont les finalités sont subordonnées à la Biosphère qui l’englobe.

                                                                                                          février 2015

 



[1] "Le capital naturel est le stock qui produit le flux de ressources naturelles : la population de poissons dans l’océan qui génère le flux de pêche allant sur le marché ; la forêt sur pied à l’origine du flux d’arbres coupés ; les réserves de pétrole dans le sol dont l’exploitation fournit le flux de pétrole à la pompe, ……" Herman Daly 1994.

[2]Elle préconisait  un « gouvernement par la nature » en s’appuyant sur « l'idée que toute richesse vient de la terre, que la seule classe productive est celle des agriculteurs et qu'il existe des lois naturelles basées sur la liberté et la propriété privée qu'il suffit de respecter pour maintenir un ordre parfait »  Les partisans du libre-échange regardent  les physiocrates comme des précurseurs du libéralisme économique.

[3] L’ONG Global Footprint Network calcule tous les ans le jour où l’empreinte écologique de l’humanité dépasse la « biocapacité » de la planète.

[4] Alfred Marshall cité dans « L’économique et le vivant » de R Passet  Economica 1996.

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