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Environnement & Société

16 avril 2019

Environnement et santé

ENVIRONNEMENT et SANTE

         Dans la saisine de notre assemblée sur le Développement durable, le rapporteur écrivait « l’Homme est malade de son environnement ». C’était en juin 1996 il y a donc 10 ans et aujourd’hui nous faisons encore le même constat.

         Rien n’a changé, rien n’a bougé depuis et nous continuons à vivre, sur le plan de la santé, dans un monde de paradoxes. Nous avons un confort de vie jamais connu, nous croulons sous une opulence alimentaire, l’hygiène n’a jamais été aussi prépondérante, l’information autant accessible, nous n’avons jamais eu autant de médecins et de spécialistes dans chacun des domaines de la médecine (même si des inquiétudes se manifestent actuellement), autant de médicaments à notre disposition, autant de vaccins …… Et pourtant un homme sur deux, une femme sur trois et de plus en plus de jeunes enfants sont touchés par un cancer, un enfant sur dix est asthmatique et 10% montrent des symptômes d’allergie, un couple sur 7 rencontre des difficulté pour procréer (le nombre de spermatozoïdes depuis trente ans a baissé de 50%), les psychopathologies sont légion ……(tout va très bien Mme la Marquise !).

         Toutes ces pathologies que l’on nomme pudiquement des « maladies de société » ou « maladies modernes » sont liées à notre environnement  et sont ce que certains appellent des « maladies créées par l’homme ». En effet, durant les cinquante dernières années, l’homme a plus détruit et pollué son environnement que durant toute l’histoire de l’humanité. Il a fabriqué et disséminé des milliers de produits que la nature ne connaît pas, que la vie ne connaît pas…Il a ainsi modifié son environnement chimiquement, physiquement et biologiquement plus vite qu’il n’était capable de s’y adapter, s’obligeant a des réponses physiologiquement et psychologiquement pathologiques.

Ce qui fait dire au député Mattei en 1996 : « L’environnement est reconnu maintenant comme un des quatre grands déterminants de l’état de santé d’une population, à côté des facteurs génétiques, des comportements individuels et de la qualité des soins ……. ». La canicule lui a d’ailleurs donné raison quelques années plus tard.

         Récemment, un  plan national de la Santé a été proposé, mais il ne s’attache qu’aux risques individuels… Il culpabilise  les personnes en dénonçant leurs comportements vis-à-vis de l’alcool, du tabac, ou de l’alimentation. Ce plan n’aborde surtout pas les risques collectifs  qui sont imposés au citoyen. Ces risques non révélés ou mal révélés font que la personne trompée est victime de la confiance qu’elle accorde aux décideurs qui acceptent de mettre sur le marché des produits sans garantie quant à leur innocuité sur le long terme. Le citoyen ne connaît pas la dangerosité des produits parce qu’il n’est pas informé ou mal informé, voire désinformé.

Pour rassurer, des normessont proposées, des normes dites acceptables ou tolérables. Mais généralement il s’agit de normes politico-scientifiques parfois même économico-politiques  qui n’ont pas fait l’objet d’études toxicologiques et épidémiologiques sérieuses sur le long terme. Ces normes d’ailleurs ne concernent pas les expositions chroniques ni l’action synergiques des substances qui se côtoient dans notre environnement.

         On peut dire que les interventions politiques sur la santé, en ce qui concerne la prévention relative aux causes des pathologies, sont souvent liées à des directives européennes que la France applique mal ou tarde à appliquer. La prise en compte de la directive Reach sur les produits chimiques, retardée et amoindrie suite aux  interventions des industriels est le dernier exemple montrant que l’économie prime sur la santé(L’affaire du glyphosate est un des derniers exemples en 2018).

         Il est temps de se préoccuper plus sérieusement de la qualité de notre environnement, car sa dégradation est, à n’en pas douter, causes de nombreuses maladies. Qu’il soit déclenchant ou facilitant de maladies graves, l’environnement joue un rôle dans la montée du «mal-vivre » que l’on connaît aujourd’hui et il faut affirmer la nécessité d’une nouvelle politique de la santé qui s’attache aux causes de la maladie et non exclusivement à ses conséquences. Il faut préférer le préventif au curatif.

         L’écologie détient la clé du véritable progrès pour la santé comme pour l’économie et pour la survie de l’humanité.

                                                                                                                                          juin 2006

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2 décembre 2018

Le capital naturel et l’Economique La Conférence

Le capital naturel et l’Economique

 

                        La Conférence de Rio de Janeiro en 1992 s’est penché sur l’importance de l’environnement naturel et sur les services qu’il fournit pour le maintien d’une terre humainement viable ; elle a souligné combien l’existence de l’Homme était liée à la qualité de son environnement et confirmé que chacun avait le droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. 

Plus de 20 années après, les difficultés de plus en plus fortes d'approvisionnement en matières premières et la dégradation de notre cadre de vie montrent que peu de choses ont changées dans nos comportements et dénoncent la façon dont l'environnement est regardé dans les modèles économiques actuels. Aujourd’hui encore, seules les dimensions financières et économiques sont mises en avant dans les projets et l’environnement est toujours considéré comme un ensemble de ressources illimitées et gratuites. Pourtant, l’impact de la raréfaction de ressources naturelles sur les activités économiques révèle la nécessité de prendre en compte les apports et les contraintes du milieu naturel ; c’est ce que pensent certains économistes qui préconisent d’associer au capital productif (finances et travail) des considérations liées à un capital naturel.          

            L’approche fonctionnelle du capital le défini comme un fond ou un stock produisant un flux et non pas seulement comme les moyens de production de produits manufacturés. Ainsi le capital naturel fait référence à notre patrimoine terrestre, le sol, l‘air, l‘eau, les organismes vivants, sources des flux de biens et de services environnementaux requis pour notre survie, pour la base de toute activité économique humaine et pour notre Bien-être. Il est composé des ressources naturelles renouvelables mais aussi des stocks non-renouvelables de minéraux et de sources fossiles d‘énergie[1]                       

Cette importance reconnue de la nature rappelle le rôle que lui accordait  la «physiocratie», école de pensée économique et politique née en France au cours du XVIIIème siècle[2]. Les Physiocrates considéraient la terre comme le seul facteur réel de création de richesse et l'agriculture, qui représentait alors une part très importante de l'activité économique, était, pour eux, la seule activité productive (forces vives), l'industrie et le commerce étant classés comme activités stériles, car elles ne font que transformer des matières premières produites par l'agriculture.

            La prise en compte du capital nature mène à l’économie écologique qui se soucie des interdépendances et de la coévolution des activités humaines et des écosystèmes dans le temps et l'espace. Elle permet de guider l’action des acteurs économiques dans le cadre du concept de « développement durable » qui exige la pérennité des ressources naturelles. Cette économie écologique se distingue de l’économie environnementale qui se préoccupe essentiellement du coût économique des atteintes à l'environnement et de la valeur monétaire des services écosystémiques (pollution de l’eau, de l’air, des sols ….). 

Lors du sommet de la terre à Rio en 2012 l’économie verte a été à l’honneur mais elle n’est évoquée que dans le cadre d’une « croissance verte » susceptible de redynamiser l’économie classique en banqueroute. En fin de compte elle ne légaliserait que la transformation de grandes fonctions écologiques de la planète, dépollution de l’eau, stockage du carbone, biodiversité…. en « services écosystémiques » échangeables, valorisables  … en marchandises globales et lucratives, contrôlées par quelques firmes ou fonds financiers.

            Il faut se rendre à l’évidence, le modèle économique appliqué actuellement dans notre société ne se préoccupe guère du devenir du capital naturel et depuis le début des années 1970 le stock du capital baisse. Nous puisons dans le capital et réduisons chaque année sa capacité à reconstituer ses ressources et à absorber les déchets. En 2014 c’est à partir du 20 août que nous avons surexploité le milieu naturel après avoir consommé ce qui avait été renouvelé[3]. Ce « jour de dépassement » est de plus en plus précoce. Inexistant dans les années 1960, il tombait en novembre au milieu des années 1990, en octobre en 2000 …. la « dette écologique » ne cesse de s’alourdir.

Des estimations modérées montrent que si l’on s’en tient à notre agir d’aujourd’hui, l’équivalent des ressources écologiques renouvelables de trois planètes sera nécessaire pour répondre aux besoins de consommation et absorber la pollution en 2050. Doit-on s’en inquiéter ? Peut-on continuer ainsi en acceptant la supériorité absolue de la logique marchande?

Il faut admettre que « l’économique est une science de la vie, voisine de la biologie plutôt que de la mécanique »[4]. En effet l’homme comme moyen, agent de décision et finalité se retrouve à tous les niveaux de l’activité économique qui se déroule dans la biosphère ; la quantité et la  qualité de vie que peut porter la planète sont limitées par les moyens mis à notre disposition dans la biosphère et obéissent à ses lois. Ainsi l’Economique est un sous-système dont les finalités sont subordonnées à la Biosphère qui l’englobe.

                                                                                                          février 2015

 



[1] "Le capital naturel est le stock qui produit le flux de ressources naturelles : la population de poissons dans l’océan qui génère le flux de pêche allant sur le marché ; la forêt sur pied à l’origine du flux d’arbres coupés ; les réserves de pétrole dans le sol dont l’exploitation fournit le flux de pétrole à la pompe, ……" Herman Daly 1994.

[2]Elle préconisait  un « gouvernement par la nature » en s’appuyant sur « l'idée que toute richesse vient de la terre, que la seule classe productive est celle des agriculteurs et qu'il existe des lois naturelles basées sur la liberté et la propriété privée qu'il suffit de respecter pour maintenir un ordre parfait »  Les partisans du libre-échange regardent  les physiocrates comme des précurseurs du libéralisme économique.

[3] L’ONG Global Footprint Network calcule tous les ans le jour où l’empreinte écologique de l’humanité dépasse la « biocapacité » de la planète.

[4] Alfred Marshall cité dans « L’économique et le vivant » de R Passet  Economica 1996.

12 octobre 2017

La Société civile au secours de la Démocratie ?

 

                La Démocratie qui reste, semble-t-il, surtout en période électorale, une référence forte pour nos gouvernants nationaux, s’estompe de plus en plus devant  la mondialisation et sa pensée unique. Le Citoyen de plus en plus ignoré hors du temps des élections constate qu’il a de moins en moins d’influence sur les systèmes qui gouvernent sa vie ; il se sent impuissant face  aux lobbies entendus par des décideurs qui ne parlent que d’Economie, de croissance, préférant  le principe de Gabor[1] à celui de Précaution.

 

         Pour tenter de faire croire que tout va être fait demain pour sauver  la Démocratie, fondement de notre régime politique, il est promis  une « nouvelle gouvernance » où seraient renforcés le rôle du citoyen et de ses rapports avec les élus à travers une participation plus forte de la Société Civile (définie comme « les organisations syndicales et patronales, les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des églises et communautés religieuses »[2]) des Corps intermédiaires, ou le recours à des référendums.

 

         Solliciter la Société Civile, ensemble des sphères des intérêts privées des citoyens qui s’associeraient pour faire entendre l’intérêt général, serait la solution pour corriger une  représentation politique contestée et freiner le professionnalisme politique ; « favoriser cette «culture civique » serait  une nécessité pour la stabilité et la bonne tenue de la démocratie »[3]. Sachant que l’intérêt général n’est que très rarement la somme des intérêts privés on peut s’interroger sur l’efficacité d’une telle gouvernance. La présence de chefs d’entreprises dans un gouvernement, par exemple, est souvent soulignée comme bénéfique (ce qui rappelle la conception Saint Simonienne), mais peut-on gérer une nation comme on mène une entreprise dont le seul objectif reconnu est généralement le profit (le rôle social n’étant que secondaire comme le montre la difficulté à faire admettre le RSE). Et les lobbies, sont-ils absents ? Les comportements du nouveau Président des Etas Unis d’Amérique et de ses collaborateurs ne nous incitent pas à y croire. Il n’y a aucune garantie.

         Les corps intermédiaires ont été interdits par la loi Le Chapelier en 1791 : « Il n’y a plus de corporation dans l’État ; il n’y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation »[4]. Autorisés en 1884, les Syndicats sont devenus des partenaires sociaux à part entière, mais si le syndicalisme qui ressemble de plus en plus au corporatisme, fut sans conteste le principal acteur des émancipations et des avancées en matière de justice sociale, il semble aujourd’hui se cantonner essentiellement dans une attitude de défense face au libéralisme et à un syndicalisme patronal qui ne parle que compétition, concurrence, profits. Nous sommes trop souvent maintenant en présence de structures qui orientent et paralysent  la pensée raisonnable en défendant un intérêt collectif, catégoriel, plus qu’un intérêt général ; les membres sont obligés à se conformer à la doctrine du  groupe auquel ils appartiennent, ils perdent ainsi toute liberté que permet d’exprimer une politique émancipatrice.  

         Le référendum qui existe en France  depuis la Révolution, procédure de vote permettant de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, a été retenu par de nombreux candidats à la « Présidentielle » et pourtant : " L'élite politique redoute le référendum. C'est un instrument imprévisible de gouvernement, qui transfère le pouvoir de décision des partis vers le peuple…..C’est sous couvert de sa légitimité, reçue par la sanction populaire, que le gouvernement élu prétend gouverner au nom du peuple. Le référendum, en ce sens, conteste cette légitimité. Il procède de l'idée que les gouvernements représentent imparfaitement l'opinion publique, voire qu'ils ont intrinsèquement propension à la trahir. Les gouvernants répugnent donc à recourir à cela même qui mine leur autorité. Autre motif de crainte: en remettant une question au libre débat du peuple, ils perdent le contrôle de l'agenda politique»[5].Un référendum c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s'en posent d'autres et viennent voter en fonction de raisons qui n'ont plus rien à voir avec la question."[6]. Même si cette démarche permet à tout citoyen de s’exprimer, pour beaucoup elle n’a pas toutes les vertus démocratiques souhaitées. Elleprocède, d’une part, de l'idée que le gouvernement représente imparfaitement l'opinion publique, et, d’autre part, elle peut être utilisée comme uneopportunité stratégique politique, un plébiscite. La forme rédactionnelle de la question doit éviter toute ambiguïté et se prêter à une réponse par oui ou par non, ce qui n’est pas toujours le cas et c’est pour cette raison que sont proposés des référendums-débats, référendums précédés par des débats parlementaires.

 

         Il semble bien que la vraie démocratie ne puisse se dispenser de la concertation élu/électeurs, sans passer par des Conférences citoyennes (voir l’avis sur les OGM en juillet 1998 retoqué par l’élu qui présidait) ou la Commission Nationale de concertation (voir le débat sur les éoliennes « offshore » plus récemment). Ils ne sont que des processus illusoires, d’ailleurs souvent  peu suivis  qui font croire à une  concertation. Il est nécessaire d’établir un véritable dialogue social si l’on veut une relance d’une dynamique participative gratifiée souvent d’un pléonasme (démocratie participative).Il faut laisser place à des discours pédagogiques plutôt que démagogiques et que l’Elu entende et informe le citoyen, accepte la transparence, ce que nos représentants, aujourd’hui, ne savent pas ou peu faire ….                 

 

                                                                                                                                 Juin 2017

 



[1] «Tout ce qui est techniquement faisable se fera, que sa réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable »

[2] Livre blanc de la gouvernance publié en 2001 par la Commission Européenne.

[3] Gabriel Almond et Sydney Verba «The civic culture» Princeton University Press 1963

  Livre blanc de la gouvernance publié en 2001 par la Commission Européenne

[4]La Révolution a procédé non seulement du rejet de la société d'ordre, mais aussi du rejet de la société de corps, introduisant un face-à-face individu-État. Pierre Rosanvallon,

[5] Marc CHEVRIER : Encyclopédie AGORA

[6] Yves Rocard : site evene.fr 

 

 

 

18 mai 2017

Ecologie

La crise écologique

            Il est certain que l’esprit de nos élus n’est guère préoccupé outre mesure par la gestion raisonnable de l’environnement naturel.

S’il est fait grand bruit autour de la crise économique, cela est normal me direz-vous ; elle est en fait une crise financière, une autre crise dont on tait l’ampleur s’installe doucement depuis plusieurs années sans que l’on s’en soucie réellement : la crise écologique. Cela n’est pas normal, mais on ne le dit pas.

Si ces deux crises présentent de nombreux points communs : toutes deux émanent des agissements de  l’homme, leurs prémices ont étés ou sont occultées, elles touchent les générations futures (d’un côté par la dette, de l’autre par le pillage des ressources naturelles) … elles diffèrent par la nature et l’ampleur des séquelles qu’elles génèrent et par les solutions qu’elles sollicitent. Si l’on peut « monétiser » la dette (on peut même la supprimer !), il est impossible de remplacer la nature par l’argent. La Terre est insubstituable.

            La dégradation en profondeur de l’environnement qui condamne à court terme une bonne partie de l’humanité et à long terme la planète toute entière, exige de toute urgence de la part des élus, un changement complet de paradigme dans leur façon de penser notre environnement. En effet, selon le précepte d’A. Einstein « Les problèmes ne peuvent être résolus par le genre de pensée qui les a créés».

Les solutions à apporter pour gérer la crise écologique demandent une approche globale, systémique, hors de l’espace cartésien, mais aussi un regard sur le long terme, ce qui impose le rejet de la myopie, elles préconisent la qualité et non la quantité ce qui signifie qu’il faut privilégier le développement plutôt que la croissance, elles sollicitent le raisonnable plutôt que le rationnel …. Tout ce qui n’entre pas, comme vous le constatez, dans le cadre de la « pensée unique », dans ce « prêt à penser» dont on connaît les méfaits et qui contamine nos politiques, décideurs mal à l’aise dès qu’il faut gérer l’environnement naturel plutôt que de l’exploiter. Certains comptent sur la technologie, sur l’intelligence de l’homme pour trouver des solutions à la démesure des risques écologiques qui nous menacent. Mais on sait que le pouvoir technoscientifique a ses limites, comme nous le montrent d’ailleurs notre irrésolution face au changement climatique ou encore notre incapacité à gérer les déchets des centrales nucléaires dont on ne sait que faire. Nous sommes obligés de compter avec la finitude de notre planète, avec sa singularité, ce que beaucoup veulent ignorer.

S’inquiéter du devenir de notre environnement n’est pas s’adonner au militantisme antihumanisme, comme l’affirment les contempteurs de l’écologie, mais c’est œuvrer pour le maintien d’une terre humainement viable. C’est faire montre d’une responsabilité vis-à-vis de l’existence de l’humanité. La morale et l’éthique écologique doivent être aujourd’hui un choix prioritaire afin qu’il y ait un futur à l’avenir et que cet avenir soit humain.

Depuis plus de quarante ans les empreintes écologiques montrent que nous vivons au-dessus de nos moyens, en partie aux dépends des habitants des pays les moins développés. Depuis le début octobre nous vivons à « découvert écologique » ; nous avons dépassé notre crédit-Terre et nous entamons le capital Terre. Cela se reproduit tous les ans depuis les années 80.

Que doit-on faire ? Souhaiter la mise en place d’un éco-fascisme ? D’un totalitarisme écologique  « salvateur »? Doit-on être fataliste, attendre, et faire siens les propos tenus par le président de la Commission des toxiques en agriculture, « je suis complétement interloqué quand on me dit : il faut faire attention aux générations futures. Mais les générations futures, excusez-moi du terme, elles se démerderont  comme tout le monde» ?

L’autisme des politiques atteint actuellement son paroxysme sur le plan de l’écologie mais semble-t-il aussi, d’ailleurs, sur celui des finances et de l’économie. Ce qui a conduit nos voisins Italiens à faire ce que préconisait Saint Simon (un Picard ?) : mettre en place un pouvoir constitué de techniciens, de savants, d’industriels et, pour actualiser sa démarche, de banquiers ! Est-ce souhaitable ?

Certains caressaient l’espoir que la crise financière mène à porter un autre regard sur notre comportement. Il n’en est malheureusement rien et pour habiter sa maison l’homme continue à la rendre inhabitable.

                                                                                                                                                             2011

18 mai 2017

Agriculture

L’agriculture aujourd’hui

 

Nous savons depuis 10 000 ans environ que « l’Agriculture est l’art le plus indispensable à l’humanité » ; nous avons appris vers l’an 1600  que « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée …» ; plus récemment, en 1856, dans son « Nouveau catéchisme agricole » petit ouvrage distribué dans les écoles rurales, M PUILLE D. (d’Amiens), nous rappelle que   « Les progrès de l’Agriculture doivent être un des objets de notre constante sollicitude, car de son amélioration ou de son déclin date la prospérité ou la décadence des empires ».

Forts de ces adages,nous sommes convaincus du rôle primordial joué par l’Agriculture qui assure depuis longtemps, une fonction économique de production de biens et services, soutenant la création d’emplois ruraux, une fonction sociale d’occupation du territoire, d’animation du monde rural et de transmission d’un patrimoine culturel spécifique, une fonction écologique de protection de l’environnement et de gestion de l’espace rural. Cette agriculture que nous souhaitons pérenne, durable pour utiliser une expression à la mode,  s’appuie, jusqu’alors, essentiellement sur les cellules de base que sont les exploitations agricoles, et donner un contenu concret au concept de développement durable en agriculture c’est garantir la durabilité de ces exploitations qui doivent rester « viables, vivables, transmissibles et  reproductibles». Or chaque semaine en France plus de 200 exploitations disparaissent. Et cela n’est pas terminé, en effet, par de savants calculs, économiques cela va de soi, on nous affirme, en s’appuyant sur la Surface Agricole Utile et sur les différentes Unités de Dimension Economique, qu’il n’y a de place que pour 350 000 exploitations en France ; elles sont aujourd’hui environ 660 000..(30 ans)

L’Agriculture est depuis longtemps en crise permanente, et l’on sait que la crise chronique d’une activité révèle souvent son caractère non durable. Contrairement à ce qu’affirment encore certains, cette crise relève moins de facteurs climatiques et de contraintes écologiques que « des spéculateurs et des marchands » (E. Reclus au début du 20ème siècle) et des politiques choisies.Depuis plus d’un siècle les politiques agricoles proposées ont mené à la situation  que l’on connaît aujourd’hui.

           Dès la fin du 19ème siècle tout est prêt pour mettre en place une « élite rurale ». Les campagnes françaises sont piégées dans un système d’encadrement géré par les agronomes-chimistes « Notre agriculture n’arrivera à tout son développement que guidée, conseillée par la science ……. telle est la devise du savant qui se voue aux études agronomiques »(PP Déhérain 1874 Ann. Agron.).

Toutes les bases du développement d’une agriculture intensive sont déjà jetées à cette époque et c’est au cours de cette période que le paysan a été disqualifié et que l’agronome a été intronisé.

Plus tard le destin de l’agriculture française et de la paysannerie se résume dans le rapport « Rueff-Armand » remis au chef de l’Etat en 1958, « … le mécanisme des prix ne remplira son office dans le secteur agricole, qu’en infligeant aux agriculteurs, presque en permanence, un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs ». Les paysans sont obligés de quitter la terre.

Enfin le coup de grâce est donné aujourd’hui par les laudateurs de la compétitivité qui déclarent que « la libéralisation des échanges est la seule solution » (P Lamy 2008) ; ils sont suivis dans cette dérive par certains syndicats agricoles et lobbies qui appellent de leurs vœux la poursuite de ce système, malgré les nombreux signes d’échec et ses effets délétères.

En effet, l’agriculture conventionnelle à l’origine de grands progrès au cours du 20ème siècle -  il n’est pas d’actualité de les nier (en 1870 un agriculteur alimentait 5 personnes, 100 ans après il en nourrit 47, ….) -  permet d’obtenir de hauts rendements (en baissant, toutefois la productivité), mais on peut affirmer que les agriculteurs ont payé et paient encore le prix fort cette modernisation (baisse des revenus, santé…...) et que cette politique se fait au détriment de l’environnement et génère des problèmes sanitaires (vache folle, fièvre aphteuse, grippe aviaire, grippe porcine…..).

L’agriculture est devenue aujourd’hui un  « mégasystème technologique » comme le nucléaire ou encore la médecine où seule l’Economie compte. L’art de cultiver le sol devient l’art de faire des profits. C’est ce que favorisent les politiques agricoles mises en œuvre depuis 1960 en encourageant le développement de l’agriculture productiviste et en voulant le décalage entre coût de production et prix de vente afin de stimuler la concurrence et d’éjecter les moins performants. Peu à peu l’Agriculture a perdu de vue ses fondements écologiques pour mettre l’accent sur le seul facteur production, ce qui l’amène de toute évidence vers des impasses écologiques et sociétales insupportables pour l’homme et la nature. Entrainé dans la spirale sans fin d’une compétitivité qui fascine les lobbies et certains syndicats agricoles, l’agriculteur est depuis le début roulé dans la farine et demain peut-être, mais cela n’est guère souhaitable, dans la farine de plantes génétiquement modifiées, miroirs aux alouettes.

Le monde rural est donc la première victime prévue de ce système appliqué à l’agriculture. Dès le début quelques agriculteurs ont bien tenté de s’opposer à cet asservissement, à ce déracinement, à cette « modernisation forcée », mais la politique agricole française n’a pas, jusqu’alors, tenu compte des analyses critiques qui étaient formulées. Les écologistes, il faut le rappeler, ont très tôt dénoncé l’agriculture intensive, mais la mode dans le monde agricole comme dans le monde industriel d’ailleurs est encore de « casser de l’écolo » et de ranger dans le placard aux fantasmes les craintes qu’ils évoquent et qui pourtant, aujourd’hui, petit à petit, se concrétisent.

Il est grand temps de repenser l’Agriculture de façon globale d’autant plus que de nouveaux défis s’ajoutent à celui de l’alimentation de l’homme qui doit rester prioritaire. La concurrence « nourricière » entre humains, animaux d’élevage et voitures (les 3 F : food, feed and fuel), le développement de la  « chimie verte », l’extension de l’urbanisation,vont obliger à faire des choix, à gérer les espaces cultivables et à menerà une politique nationaleréorientant les soutiens vers les hommes et les territoires.

Ne faut-il pas distinguer une agriculture alimentaire de proximité de dimension humaine, attachée à la subsidiarité que préconisent la FAO, et une agriculture contractuelle de grandes surfaces au service de l’agroalimentaire, de l’industrie, de l’exportation et soumise à l’OMC ?

« A côté d’une agriculture productiviste adaptée à la compétition économique diversifiée et planifiée pour répondre aux besoins des industries agroalimentaires auxquelles elle sera liée par des contrats, ……. on trouvera un tissu de moyennes et petites exploitations revivifiées par leur intégration dans un système économique de dimension locale ou régionale et dont l’activité agricole sera complétée par d’autres activités artisanales, commerciales ….. » P. Limousin 1992

Ne faut-il pas préconiser une approche transversale rejetant le système des filières qui font que lorsque les céréaliers se frottent les mains les éleveurs pleurent. Ne faut-il pas instaurer des quantums ? Ne faut-il pas réglementer l’occupation de l’espace en protégeant les terres agricoles ? C’est une refonte fondamentale que nécessite l’agriculture dite moderne et croire qu’il suffit de se pencher et de gérer successivement de façon ponctuelle les problèmes de l’agriculteur producteur de fruits, de lait, de viande porcine,… d’œufs aujourd’hui, pour régler la crise est un leurre entretenu par ceux qui, «formatés par la réalité marchande » ne souhaitent pas analyser notre société autrement qu’en termes économiques et profitent de cette situation.

Si nous continuons dans ce sens le meilleur des mondes agricoles est peut être derrière nous dans les ruines de l’agriculture d’hier regardée avec dédain par les «exploitants es agriculture» qui se veulent modernes.

                                                                                                                                             juin 2012  

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3 avril 2017

Société

Nous souffrons de la démesure avait dit Léopold Kohr

         La crise actuelle est une crise du gigantisme, «si quelque chose ne fonctionne pas, c’est parce c’est trop grand» disait Léopold Kohr Prix Nobel alternatif 1983. La source des problèmes actuels serait la démesure. Dans son livre « The Breakdown of nations » publié en 1957, à une époque où les politologues renommés souhaitaient (souhaitent encore) un gouvernement mondial, il préconisait, à contrecourant, les petits Etats, les petites Nations, les petites Economies, plus souples et capables de traverser les crises parce que plus paisibles, plus prospères et plus créatives. Il  conseillait des gouvernances à une échelle où le citoyen peut encore avoir une influence sur les systèmes qui gouvernent sa vie.

Aujourd’hui, nos Politiques qui assistent pourtant au naufrage de notre Société, ne jurent que par une augmentation de la croissance, par des économies d’échelle, des grandes Régions, des grandes exploitations agricoles, le regroupement des services de l’Etat ……  Les multinationales forment une ploutocratie mondiale qui efface toute démocratie et les établissements bancaires  sont maintenant si importants que leur effondrement entraine celui de l’économie mondiale.  Dans un contexte de mondialisation, les métropoles, les mégapoles, les nouvelles Régions … l’Europe, sont des gouvernances territoriales qui nous éloignent de plus en plus des lieux de décisions, des responsables de la décision ; dans cette fuite en avant le Citoyen se sent isolé, impuissant, à la merci des idéologies, du lobbying.

            Le maintien à une échelle locale, humaine, d’une politique lisible par une population vivant dans un espace-temps ressenti permettrait au Citoyen de se rassurer, de vivre et faire vivre la Démocratie plutôt que de se laisser entrainer dans un fatalisme le livrant au jeu des seuls intérêts privés. Le désintéressement politique que l’on déplore actuellement chez nombre de nos concitoyens est compréhensible dès lors où  les sensations d’impuissance et d’inutilité politiques s’affirment dans l’ambiance des gouvernances imposées.                                               décembre 2015.

3 avril 2017

Société

L’incompris principe de précaution

 

             Proposé au cours des années 1970 par le philosophe allemand Hans Jonas[1], le principe[2] de précaution est évoqué dès 1972 dans la Déclaration finale de la Conférence de Stockholm sur l’environnement humain. Mis en application juridiquement pour la première fois en 1985 dans la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone il entre dans le droit international dans les années 1990. Il apparaît dans le traité européen de Maastricht  en février 1992 (article 130 R) puis dans la déclaration du sommet de Rio  adoptée la même année (principe 15) « pour protéger l’environnement des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».

Associé à la protection de l’environnement il apporte, en complément de l’arsenal juridique s’adressant aux risques certains comprenant notamment le principe de prévention ou celui de pollueur-payeur, une ressource juridique concernant les risques incertains. L’incertitude jusqu’alors, s’analysait en une présomption de non-dangerosité, l’environnement étant supposé capable de supporter toutes les actions de l’homme, le principe de précaution inverse maintenant la situation. Le bénéfice du doute profite désormais à l’environnement dont on connaît la fragilité.

     

       La loi Barnier du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l'environnement, dite aussi "loi paysage", rend applicable le principe de précaution dans le droit français de l'environnement : "l'absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, à un coût économiquement acceptable". Cette définition très modérée de la précaution se distingue bien d'interprétations radicales qui préconisent une logique d'inaction selon l'adage "dans le doute abstiens-toi", rien n'étant fait tant que l'on n'a pas fait la preuve de l'innocuité absolue des activités ou des produits. Une chose est certaine, il n’est pas d’actualité de retenir la conception radicale de ce principe qui retiendrait comme objectif le « risque zéro ».

Bien qu’allant au-delà du principe de mitigation, il est souvent confondu avec le principe de prévention alors que la précaution marque la différence entre l’incertitude probabilisable de l’aléa [3] (lequel correspond à la prévention) et l’incertain par manque de connaissance (auquel se rattache la précaution). Dans le premier cas l’incertitude est objective dans le second elle est subjective. Ce principe n'est donc pas, comme certains l'affirment, afin de mieux le condamner d'ailleurs, un prétexte vertueux à la paralysie, un moyen commode de bloquer des initiatives en imposant des moratoires ; il oblige au contraire la recherche à progresser même si celle-ci peut accroître l’incertitude !… et surtout à accepter certaines contraintes de prudence, concept qui englobe à la fois la prévention et la précaution.

       Il a été intégré dans notre Constitution depuis 2005 « Lorsque la réalisation d’un dommage bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédure d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage».

 

    Le principe de précaution, l’un des six principes qui structurent le concept de Développement durable[4], bouscule le droit du risque et oblige à redéfinir les contours du droit de la responsabilité. La notion de faute est considérablement élargie, elle entre maintenant dans le cadre d’une morale de l’incertitude.

    L’obligation de son application naît quand l’analyse de l’aléa fait émerger des questions qui n’ont pas de réponse ou quand les seules réponses se font sous la forme d’hypothèses. Il y a, alors, un doute légitime qui impose la mise en place de procédures de recherches, d’expertises, de débats, d’obligations de veille et de suivi. Cela concerne donc des risques potentiels non avérés et la faute n’est pas une faute classique bien qu’elle rappelle « la négligence », mais l’erreur est de s’être abstenu de mettre en place les procédures susceptibles d’anticiper, de déceler la potentialité de risques avant de pouvoir les identifier. En deçà de ce seuil d’incertitude, pour les risques connus, il n’est pas illégitime d’agir en respectant seulement les procédures de prévention. Cette démarche qui demande une construction intellectuelle inhabituelle du risque, montre que le principe de précaution loin de bloquer toute action nouvelle n’est pas contradictoire avec l’innovation comme le dénoncent ses détracteurs, mais oblige à la recherche pour sortir de l’incertitude. Il rend maintenant indissociables dans toute action susceptible de générer un danger, responsabilité, risque et précaution, ce qui constitue une garantie pour le citoyen.

    Bien qu’il « n’ait pas donné lieu à des bouleversements, ni à des applications déraisonnables, ni inspiré des décisions de justice qui auraient changé le cours des choses », ce principe regardé par certains comme un principe d’inhibition ou d’indécision est contesté par de nombreux politiques ; ils souhaiteraient le remplacer par un "principe d'innovation responsable"[5] qui n’aurait pasl’inconvénient fâcheux d’inciter à passer d’une société du risque à une démocratie du risque en suscitant de vrais débats publics pour que chercheurs et citoyens aient le temps d’y voir clair[6].

 



[1] « Principe responsabilité » 1979 - traduit en français en 1990. 

[2] Le principe est un concept, une règle, non démontré mais vérifié par l'expérience. C'est une vérité première, évidente, qui ne peut être prouvée ni combattue par des propositions qui le soient davantage.  

[3] En prévention des risques naturels vis-à-vis de biens, l'aléa est un phénomène naturel d’éventualité et d'intensité connues.

[4] Avec celui de Responsabilité, d’Approche systémique, de Pollueur-payeur, d’Internalisation des coûts externes et de Gouvernance.

[5]  Proposition déposée par E. Woerth ; rejetée par l’Assemblée Nationale le 4/12/2014.

[6] « Les métamorphoses du principe de précaution » A. Sinaï Actu-Environnement 2010.

3 avril 2017

Société

Le PIB : une référence obsolète ? 

Le Produit Intérieur Brute (PIB) institué dans la plupart des nations après la guerre, considéré par les économistes « néoclassiques » comme « le seul critère qui compte pour juger un pays », est un indicateur de l’économie touchant aux seules transactions financières. Ce PIB qui a la particularité de regarder de manière positive toutes les dépenses, ignore ainsi tout acte gratuit, le bénévolat, les tâches domestiques, la nature qui n’est pas considérée comme un véritable capital par le système économique actuel….[1]  La pollution, les risques climatiques, la destruction des écosystèmes, la disparition des espèces ou l’épuisement des ressources non renouvelables sont même parfois comptabilisés comme incréments du PIB. L’effet Kobe rappelle que les événements les plus destructeurs (Tchernobyl, les tsunamis, les tremblements de terre…..) apparaissent comme bénéfiques au PIB parce qu’ils contribuent à son accroissement par les dépenses qu’ils engendrent.

        Si durant de nombreuses années, dans certains pays, la croissance du PIB reflétait plus ou moins bien l’amélioration du bien-être des habitants, cet indice marchand qui occulte de nombreux facteurs tels la qualité de vie, la qualité de l’environnement naturel, la durée du travail, l’espérance de vie, la solidarité, ne traduit en rien les conditions de vie des habitants[2]. Ainsi l’«indicateur de progrès réel » qui retient dans son calcul la valeur du travail bénévole et des tâches ménagères, stagne aux Etats Unis depuis 50 années alors que le PIB pendant la même période a doublé. 

Depuis quelques temps de nouveaux indicateurs sont élaborés par des Economistes conscients que le PIB est incapable d’exprimer de manière pertinente l’état réel d’un pays et surtout les conditions de vie de tous ses habitants. Au début des années 1990 les Nations Unies ont proposé «l’Indice de Développement Humain » (IDH) prenant en compte à égalité le PIB par habitant, le niveau de scolarisation et l’espérance de vie moyenne[3]. Il ne reflète cependant pas les inégalités, la pauvreté, la sécurité humaine, l'autonomisation ….

Malheureusement il ne suffit pas de changer simplement cette référence pour améliorer le Bien Etre des citoyens d’aujourd’hui et de demain ; il semble bien qu’il faille également revisiter les paradigmes de l’Economique néoclassique, en internalisant dans la comptabilité, par exemple, les dépenses externes supportées de plus en plus difficilement par la nature surexploitées (voir notre empreinte écologique) ou par le citoyens à travers ses problèmes de santé (amiante, produits chimiques…..).

        Dès les années 1970 Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) proposait dans sa théorie sur la « Bioéconomie » de ne pas ignorer les limites de la nature et de tenir compte des lois de la Thermodynamie, en particulier la loi sur l’Entropie. Il n’a guère été entendu.

La pénurie annoncée de l’énergie fossile, prélude de celles de toutes ressources non renouvelables, mène cependant, depuis quelques temps, à des comportements plus responsables. Deux types d’économie plus comptables du «capital nature» semblent émerger doucement : «l’économie circulaire» qui copie la dynamique des écosystèmes (déchets utilisés comme matière première et absence de perte énergétique) et «l’économie de fonctionnalité» qui consiste à remplacer la notion de vente du bien par celle de la vente de l’usage du bien (location de matériel).Mais ces frémissements se font sans abandon du paradigme de la croissance ni de la prépotence de la sphère financière.                 



[1] Des pays européens proposent actuellement de prendre en compte des mouvements d’argent liés à la drogue et à la prostitution. 

[2] Dans le classement des pays en fonction des PIB, le Qatar est placé devant les USA (Luxembourg, Qatar, USA, Suisse …)

[3] Voir également : indice de santé sociale, indice de Bien-être économique durable (IBEED ou IBEES) …… Dans le classement IDH la Norvège précède l’Australie, la Suisse, les Pays Bas, les USA … la France est 20ème. . Le BRDH propose d’autres indices composites pour une vision élargie de certains enjeux clés du développement humain, des inégalités, de la disparité entre les sexes et de la pauvreté humaine. Le roi du Bhoutan souhaite mettre en place un indice «Bonheur national brut»…..

  

17 mars 2017

Démocratie

 

LA PARTICIPATION DU CITOYEN ……. La concertation

                Depuis plus de 20 ans « le concept de participation » est un pensum pour les décideurs et les professionnels de l’aménagement du territoire. En effet ce principe s’il est accepté, est toujours mal reçu, tout particulièrement par les techniciens-ingénieurs qui supportent très difficilement les états d’âme métaphysiques des citoyens béotiens mettant en cause les études d’experts qu’ils ont élaborées ; oubliant trop souvent que dans les associations certaines personnes sont devenues des spécialistes capables de faire une analyse pertinente des projets. Négligeant aussi que depuis la loi Bouchardeau de 1983, la loi Barnier de 1995, les entretiens de Ségur qui ont mené à la « Charte de la concertation » en 1996, le séminaire européen de Trustnet en 2000, la loi relative à la démocratie de proximité de 2002, le décret relatif à la convention d’Aarhus en 2002, l’article 7 de la Charte de l’Environnement en2005 ….….. la reconnaissance de la participation du citoyen à l’élaboration des projets est légalement certaine même si elle est généralement écartée parce que parfois compliquée à mettre en place ; il est plus facile, en effet, d’appliquer seul le « paradigme d’autorité » dans le cadre d’une décision difficile à faire accepter.  

Trop souvent les maîtres d’ouvrage et les décideurs publics ou privés qui ne voient dans cette procédure de concertation qu’une contrainte et non l’occasion d’une démarche de progrès, affirment que la participation s’est parfaitement déroulée, alors que les échanges avec le public ne se sont réduits qu’à une information, niveau le plus modeste de la participation, monologue sans échange où le chef de projet dominant parle à un public dominé, qu’à une consultation, démarche également en sens unique qui permet certes de recueillir l’avis des populations mais où rien ne garantit que les propositions recueillies seront réellement prises en compte et qu’il y aura un retour d’information. La consultation est une participation ambiguë, source de malentendus - l’enquête Publique entre dans ce cadre, de même que l’audition publique. La concertation permet de véritables allers et retours de l’information,c’est le domaine du dialogue où les avis des personnes concernées sont mis en forme et font l’objet d’une réflexion. Les non-initiés ne sont pas méprisés, ils participent à une construction collective ; c’est le « paradigme de la confiance mutuelle » qui est ici retenu et qui mène généralement à l’acceptabilité d’un projet. Ce n’est certes pas la participation vraie où la population prend en main tout ou partie du projet, ni l’autogestion degré ultime de la participation où la population gère seule un projet qu’elle élabore, mais la concertation est avant tout une façon d’humaniser le projet en permettant à ceux qui connaissent le mieux le terrain de soulever les bonnes questions. La concertation qui apporte beaucoup au projet, responsabilise la population qui se l’approprie. Au cours des discussions, transparence, honnêteté, confiance,  sont des règles de base ; toutes les expériences montrent que la  volonté d’informer impartialement et de faire participer le citoyen trouve sa récompense dans l’attitude responsable des acteurs concertés. Elles montrent également que lorsque qu’un rejet s’exprime tardivement, pendant l’enquête publique par exemple, et qu’aucune concertation n’a commencé en amont, il est déjà trop tard. Faire participer le citoyen est une volonté de politique locale sur l’ensemble d’une démarche de décision depuis son origine jusqu’à son terme. 

 Dans ce cadre la communication joue un rôle important, elle ne doit pas cependant se résumer à  des méthodes publicitaires mais apporter des éléments qui permettent au public de mieux appréhender le sujet.

 

L’actualité montre qu’en France la concertation n’est pas coutumière. Récemment, en ce qui concerne l’opportunité d’établir des éoliennes en mer, l’Etat a pris la décision, seul, d’accepter le principe des implantations (600 éoliennes ?) sans attendre les conclusions de la Commission Nationale de Débats Publics ; cela s’était déjà produit pour la A24 Amiens-Lille il y a quelques années. Plus localement, les enquêtes publiques concernant deux projets importants : le PPRI de Cayeux qui remet en cause l’aménagement de la commune et son développement, et l’établissement à proximité d’Abbeville d’une stabulation de 1000 bovins, très certainement à l’origine de nuisances voire de pollutions, ont été ouvertes sans que le public ait réellement participé à l’élaboration de ces aménagements. Le rejet, l’indignation d’une part de la population qui se sent ainsi rejetée, mise à l’écart, n’est que légitime.

Il est regrettable que la démarche de concertation qui permet d’éclairer le décideur et de démocratiser les débats menant à l’élaboration d’une décision, soit toujours aussi difficile à réaliser en France.

16 mars 2017

Démocratie

La Démocratie s’étiole (à la lumière de nos hommes politiques).

                      Dans son article 2 la Constitution française de 1958 précise son principe : «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple», peuple qui manifeste sa souveraineté par ses représentants élus ou par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice (art.3), seraient-ils des patriciens politiques. C’est donc la démocratie dite représentative qui serait le moteur politique du fonctionnement de l’Etat français.

            Dans l'Antiquité grecque on ne connaissait qu'une seule démocratie, la démocratie directe et le gouvernement représentatif (appelé aujourd’hui démocratie représentative) était une oligarchie, d'ailleurs regardée comme l'ennemie traditionnelle de la démocratie. Le concept de démocratie représentative apparaîtrait d’ailleurs, pour les Grecs anciens, comme un oxymore. La Constitution française de la Vème République reposerait-elle sur un oxymore ?

            Au cours des années 1960 les insuffisances de la démocratie représentative : désintérêt du citoyen (non-respect des engagements), non-représentativité, absence du souci du long terme, d’une vision d’avenir, et ses limites face au besoin éthique de statuer sur les controverses sociotechniques liées aux nouvelles découvertes technologiques et scientifiques, ont mené à la nécessité de mettre à la disposition des citoyens les moyens de débattre, d'exprimer leur avis et de peser dans les décisions.

Pour renforcer la participation des  citoyens à la prise de position politique, pour permettre la participation du public à l'élaboration des décision pendant la phase de délibération, il est proposé de revitaliser la démocratie en s’appuyant sur un rôle et un pouvoir nouveaux accordés aux citoyens à travers le concept de démocratie participative (ou délibérative), fondée sur une citoyenneté active et informée » et sur la « formation d'un public actif ». Cette participation citoyenne est intrinsèquement liée au droit d'accès à l'information, ce qui est formalisé, par exemple, dans la Convention d'Aarhus de 1998[1] sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement . La démocratie participative qui est pour l’helléniste attentif un pléonasme, serait une forme de partage dans l’exercice du pouvoir. Mal acceptée par beaucoup d’Elus et surtout par les technocrates qui voient dans ce principe le moyen pour le citoyen de dénoncer les choix qu’ils proposent ou imposent aux décideurs, tout est fait pour éviter d’appliquer ce concept dérangeant.

            Malgré ce semblant de désir de la part des élus de «démocratiser la démocratie», le concept de démocratie, semble-t-il, ne concernerait plus le régime politique de nos gouvernements, mais désignerait plutôt notre société qui garde malgré tout la liberté, l'égalité, la fraternité et le social pour valeurs. Au moment où le citoyen met son bulletin dans l’urne, il remet dans d’autres mains sans autre contrepartie que des promesses entendues pendant la campagne électorale tout pouvoir de décision. L’expression du peuple est ignorée, parfois même celle des parlementaires. Serions-nous sous des régimes de «despotisme non-éclairé»?

Pour les nouveaux maîtres à penser qui construisent «la pensée unique», «pensée sur mesure» où la mondialisation n’est vue qu’au service de l’Economique, l’homme politique est superflu et la souveraineté du peuple n’a aucun sens. Comme se plait à le souligner M. Alain Minc « La démocratie n’est pas l’état naturel de la société. Le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société »[2]. Glisserions-nous doucement vers un régime anarcho-capitaliste[3]? Depuis quelques années, le peuple qui a tous les talents quand il approuve les décisions politiques, est regardé avec condescendance quand il les conteste et le citoyen devient un gêneur parce qu’il souhaite la démocratie. Faut-il se résigner à la fin des pensées universalistes, à l’évanouissement de la démocratie et accepter le dogmatisme du tout marché, du tout économique qui n’est pas une fatalité mais une construction de l’homme?

 



[1] La France a ratifié la Convention d'Aarhus le 8 juillet 2002. Elle est entrée en vigueur le 6 octobre 2002 

[2] A. Minc  Cambio 16, Madrid 1994.

[3] Pensée politique inspirée par Gustave de Molinari (1819-1912), selon laquelle une société capitaliste sans Etat est économiquement efficace et moralement désirable. Tout est privé même l’Armée ! Voir le libertarianisme.

 

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